LE VELO
Chez nous, il n'y avait que les parents qui détenaient un vélo. Papa pour aller travailler et maman pour aller faire les courses. Mes trois soeurs n'en avaient pas. Moi, j'attendais impatiemment le jour où je pourrais monter sur la bicyclette de papa. Et puis un jour j'ai eu 8 ans. Le vélo de Papa était garé devant la barrière de la maison. Je savais bien que je ne devais pas y toucher, papa me l'avait interdit, car son vélo était sacré pour lui. Mais cela a été plus fort que moi. Au risque de me faire disputer j'ai préféré braver l'interdit. Je me souviens de mes tentatives pour enjamber le cadre, pour me hisser sur la selle, dressée sur la pointe des pieds, en tenant fermement le guidon trop haut, pour poser le pied droit sur la pédale droite et décoller tout doucement le pied gauche, la bascule à droite... les essais de la même manoeuvre de l'autre côté...
Je me souviens d'avoir recommencé encore et encore. Devant l'inefficacité de mes efforts, je me suis accrochée à la barrière du jardin pour tenir en équilibre un long moment les deux pieds sur les pédales. Et puis ce fut le grand bonheur, le vélo avança de quelques mètres sur le trottoir en se dandinant de droite et de gauche. Je pris peur et je reposais les pieds par terre. Vite, vite, sans que personne s'en aperçoive je reposais le vélo là où il était.
Quelques années plus tard, j'ai eu l'occasion de me promener
à vélo avec ma cousine dans la campagne. C'était merveilleux. Les années lycées me donnèrent
l'occasion de faire le trajet en Cady (petite mobylette). Puis lorsque je démissionnais de
l'entreprise qui fut mon premier employeur, mes collègues se sont cotisées pour
m'offrir un beau vélo bleu ciel Stablinsky à 10 vitesses avec lequel je fis quelques balades avec
mes deux enfants. Certes, mon désir de posséder un vélo était assouvi mais le plaisir en était amoindri.
J'aurais tellement aimé en avoir un quand j'étais une petite fille.
LE BERET
Quand il sortait, Papa mettait toujours son béret sur la tête, un peu de travers comme s'il voulait faire le jeune homme. Il lui servait de parapluie lorsqu'il faisait mauvais temps.
Lorsqu'un de ses petits enfants ne voulait pas obéir, il ôtait son béret pour lui en donner un coup. Le béret atteignait son but sans blesser. L'enfant surpris pleurait, puis papa lui donnait un baiser pour se faire pardonner.
LE TABLIER DE GRAND-MERE
Te souviens-tu du tablier de ta grand-mère ?
Le principal usage du tablier de grand-mère était de protéger la robe en dessous, mais en plus de cela :
- il servait de gant pour retirer une poêle brûlante du fourneau ;
- il servait pour essuyer les larmes des enfants, et, à certaines occasions, pour nettoyer les frimousses salies ;
- depuis le poulailler, le tablier servait à transporter les oeufs, les poussins à réanimer, et parfois les oeufs fêlés qui finissaient dans le fourneau ;
- quand des visiteurs arrivaient, le tablier servait d'abri à des enfants timides ;
- et quand le temps était frais, grand-mère s'en emmitouflait les bras ;
- ce bon vieux tablier faisait office de soufflet, agité au-dessus du feu de bois ;
- c'est lui qui transbahutait les pommes de terre et le bois sec jusque dans la cuisine ;
- depuis le potager, il servait de panier pour de nombreux légumes ; après que les petits pois aient été récoltés venait le tour des choux ; en fin de saison, il était utilisé pour ramasser les pommes tombées de l'arbre ;
- quand des visiteurs arrivaient de façon impromptue, c'était surprenant de voir avec quelle rapidité ce vieux tablier pouvait faire la poussière ;
- à l'heure de servir le repas, grand-mère allait sur le perron agiter son tablier, et les hommes aux champs savaient aussitôt qu'ils devaient passer à table ;
- grand-mère l'utilisait aussi pour poser la tourte aux pommes du four sur le rebord de la fenêtre pour qu=elle refroidisse. De nos jours, sa petite fille la pose là pour la décongeler.
Il faudra de bien longues années avant que quelqu'un invente quelque objet qui puisse remplacer ce bon vieux tablier qui servait à tant de choses.
(ma tante : professeur de piano et d'accordéon)
Le piano
Je me souviens,
Quand assise sur un tabouret de velours
Elle caressait de ses doigts fins et agiles
Mes touches d'ivoire et d'ébène
A présent jaunies par le temps.
Je me souviens,
Quand nous jouions en tête à tête
Brahms, Haëndel, Strauss !
Et toujours elle me guidait à travers
Dièses, pauses et bémols.
Mes marteaux inertes maintenant
N'iront plus jamais à la rencontre de mes cordes.
Je ne me laisserai plus emporter par des mélodies
Mais quelque part dans mon coeur de piano
"Elle" est là pour toujours.
LA CUISINE DE NOTRE MAISON D’ENFANCE.
Si l’on me parle de simplicité de vie, de rusticité même, je suis immédiatement transportée dans la cuisine où ma mère officie, sérieuse et appliquée devant sa cuisinière bois et charbon, où une bouilloire sifflote en permanence.
Le décor est rustique et plein d’humilité ; tout est peint en beige et marron ; sur un côté trône un fameux buffet Henri II. Il abrite les assiettes et les verres et comporte deux grands tiroirs pleins de bouts de ficelle et de trésors interdits.
De l’autre côté, sur une étagère haut perchée, protégé comme un coffre-fort, siège le gros poste de T.S.F. équipé du fameux “oeil magique”.
Dans un coin, l’évier où l’on fait à peu près tout : vaisselle, petite lessive, toilette, shampoing, rasage, etc...
Dans un autre coin, une machine à coudre à pédale SINGER et un fourre-tout pour la couture et les petits travaux en cours.
Au milieu quatre chaises et une table massive recouverte d’une toile cirée à petits carreaux bleu et blanc.
Maman était une excellente cuisinière et patissière. Elle avait ses secrets de recettes. Les repas de famille qu'elle préparaient avec amour étaient toujours une fête. Piano, accordéon, violon, clarinette, (nous sommes une famille de musiciens), chants, histoires, chacun s'exprimait en toute simplicité... Papa jouait de l'harmonica, ou du bugle, puis maman entonnait des airs d'autrefois dont le refrain était repris en choeur par tous les invités. Plus tard, nous avons formé un trio d'harmonicistes avec mon père, ma soeur et moi-même. Quelle ambiance !
"Je vous parle d'un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître......."